Les portraits du Fayoum
Tzvetan Todorov, critique littéraire et historien des idées, suggère la définition suivante du portrait : « une image représentant un ou plusieurs êtres humains qui ont réellement existé, peinte de manière à faire transparaître leurs traits individuels ».
Cette proposition s'applique parfaitement aux « portraits du Fayoum », série de peintures réalisées au Ier siècle, dans l'Egypte romaine.
Il s'agit de portraits funéraires glissés dans le sarcophage au niveau du visage du défunt.
Ces portraits, les plus anciens encore jamais découverts, ont pour support le bois et le lin.
Ils sont réalisés à l'encaustique (peinture à base de cire) ou avec de la peinture à la détrempe (à base d'oeuf) et souvent rehaussés de dorures.
Ces images, d'un réalisme saisissant, ont pour objectif de fixer pour l'éternité les traits d'un être cher disparu dans l'optique d'une renaissance dans l'au-delà.
Portrait homme ou portrait de femme, le visage du défunt est représenté de face, légèrement souriant, et fixe sur nous un regard troublant de modernité.
L'artiste assure ici la pérennisation du souvenir et l'immortalité de l'âme.
Portrait homme : Portrait de François Ier par Jean Clouet
La pensée humaniste replace l'individu au cœur des préoccupations.
Le portrait de François Ier réalisé par Jean Clouet entre 1525 et 1527 est particulièrement intéressant car il mêle souci de propagande et tentative de présenter un roi sous un jour plus personnel.
En effet, sur ce portrait peinture du buste du souverain, on ne voit pas un roi guerrier mais un homme de cour accompli.
Les attributs habituels de la royauté, comme la couronne ou la fleur de lys, sont évoqués en arrière plan, sur la tapisserie, et la nature militaire du pouvoir du roi est discrètement évoquée par une épée dont on ne voit que le pommeau.
La force de François Ier est mise en avant par l'ampleur de son habit et son raffinement.
Le peintre a fixé sur la toile l'image de ce roi qui prisait par dessus tout les arts et les Lettres, une image plus personnelle que celle de ses prédécesseurs ou même celles qui suivront.
La Joconde de Léonard de Vinci
Il est impossible d'évoquer le portrait de femme sans parler de La Joconde, peinte par Léonard de Vinci entre 1503 et 1519.
Cette représentation de Mona Lisa en buste de trois-quart est certainement le portrait et la peinture la plus célèbre du genre.
Cette femme, habillée de manière austère, sans bijou, n'a pour parure que son sourire énigmatique qui a fasciné dès les premières exhibitions du tableau.
La réalisation en sfumato (couches de peintures très délicates appliquées de manière successive) intensifie l'atmosphère de mystère qui émane de la toile et le réalisme de la chair travaillé particulièrement au niveau des yeux.
En effet, son regard, peint à la perpendiculaire du plan de l'image, suit le spectateur comme pour engager un dialogue avec lui, un dialogue qui traverserait les siècles.
Ce portrait de femme ne vise donc plus seulement à imiter, il cherche à engager celui qui la regarde, à susciter une interrogation.
Les autoportraits de Rembrant
Au XVIIe siècle, le peintre Rembrandt van Rijn a exécuté une centaine d'autoportraits, magnifiant la technique du clair-obscur.
Il se montre ainsi à tous les âges et dans des tenues hétéroclites : prince, soldat, mendiant. Pourquoi cette obsession pour pour sa personne ? Rembrandt cherchait à la fois à se mettre en scène et à parfaire les expressions et émotions qu'il captait dans le miroir.
Réalistes et pourtant déformés, les portraits qu'il livre de lui-même sont aussi bien personnels que maîtrisés.
En se constituant comme son modèle principal, Rembrandt construit une image qui fait œuvre. Il représente à lui seul l'humanité et le regard qu'il pose sur elle.
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Marie-Antoinette à la rose d'Elisabeth Vigée Le Brun
Ce portrait de femme, réalisé en 1783, représente la souveraine vue de trois-quart. Ce portrait, qui a été réalisé en cinq versions, impose Elisabeth Vigée Le Brun comme la nouvelle figure de l'art du portrait au féminin.
La première version montrait la reine seulement vêtue d'une robe blanche réservée à un usage intime.
Son chapeau de paille et ses cheveux dénoués sur ses épaules ajoutent une désinvolture qui choque les spectateurs du Salon de l'Académie Royale. Une reine simple et détendue, qui compose un bouquet de roses, est trop moderne.
Ce portrait sera remplacé par la toile Marie-Antoinette à la rose.
Cette peinture s'arrête à mi-corps, et nous montre la reine dans une scène plus conventionnelle. La robe à l'anglaise est remplacée par une tenue à la française et la reine arbore une coiffure plus sophistiquée.
Qu'à cela ne tienne, Elisabeth Vigée Le Brun a instillé l'inspiration qui guidera, un siècle plus tard, les impressionnistes dans leur recherche de portraits plus intimes.
Portrait aquarelle : Le baiser, Marie Laurencin
Marie Laurencin, née en 1883 et morte en 1956, a laissé de nombreux portraits à l'aquarelle qui représentent le plus souvent des jeunes filles au regard noir posé sur un visage fantomatique. Son style très particulier est qualifié de « nymphisme ».
La palette pastel qui caractérise ces pièces accentue l'onirisme des personnages qui semblent représenter une jeunesse féérique.
Elle cherche à se démarquer du cubisme et du fauvisme de l'époque et fait transparaître, à travers ses portraits de femmes aux traits gommés, une mélancolie et une fantaisie toute personnelle. Ils sont également le reflet de son attirance pour les femmes qui, pour elle, deviendront « toutes des princesses »
Portrait noir et blanc : Ten Lizes, Andy Warhol
Réalisé à l'encre sérigraphique et peinture à la bombe sur toile, ce travail d'Andy Warhol traduit le regard qu'il pose sur le monde et la manière dont il compte le traduire pour le spectateur. La largeur de l'œuvre qui représente Elisabeth Taylor, icône du 7e art hollywoodien, oblige celui qui la regarde à plonger dans cette accumulation d'images qui prive pourtant son sujet de sa substance.
Andy Warhol se veut le témoin d'un monde où la duplication vide les objets et les personnes de leur sens.
Pourtant, cette tentative de dépersonnalisation est encore un acte en soi, un témoignage du regard du peintre sur l'un des ses semblables.