LES IMAGES DU MONDE FLOTTANT
A l'origine, le nom japonais des estampes, ukiyo-e (浮世絵) qui signifie littéralement "images du monde flottant", avait une signification plutôt péjorative. D'origine bouddhique, ukiyo évoque alors le côté éphémère de la vie, un monde triste, flottant, où rien n'est constant, ni palpable. C'est pendant l'ère Edo que la signification du terme évolue. Cette période qui s'étale de 1603 à 1868, aussi appelée "période de Tokugawa", marque la prise de pouvoir de la bien nommée dynastie Tokugawa qui choisit la ville d'Edo (aujourd'hui Tokyo) pour capitale afin de s'éloigner de la capitale impériale, Kyoto. Asai Ryôi (1612 ? - 1691), écrivain de son état, fût le premier à évoquer ukiyo de façon épicurienne en 1661 dans la préface de Ukiyo monogatari (Dit monde flottant) : "Vivre seulement pour l’instant, contempler la lune, la neige, les cerisiers en fleurs et les feuilles des érables rougeoyants, aimer le vin, les femmes et les chansons, ne pas se soucier de la pauvreté, se laisser porter par le courant de la vie comme la gourde flotte au fil de l’eau, c’est cela que j’appelle ukiyo". C'est à cette expression, ukiyo, que l'on y accola le mot e qui signifie : dessin ou peinture.ÉVOLUTION DE L’ART JAPONAIS DANS LA SOCIÉTÉ
A son arrivée en 1603, le shôgun (généralissime) Ieyasu Tokugawa (1543-1616) instaure le bakufu (gouvernement militaire) et isole le Japon du monde extérieur en bloquant tous les échanges (humains et matériel) aussi bien entrants que sortants. Un système de castes est mis en place avec quatre classes bien différentes : les daimyô (seigneurs), les samouraïs (guerriers), les paysans et les marchands. Les daimyô sont alors forcés par le régime dès 1635 à séjourner à Edo au moins une année sur deux et leur pouvoir d'achat fait d'eux une clientèle fortunée et privilégiée pour les marchands qui eux-mêmes s'enrichissent à leur tour. C'est à partir de ce cercle vertueux que la société japonaise se développe rapidement et les divertissements urbains, ainsi que la littérature, le théâtre et les arts, emboitent le pas.A Edo, deux quartiers sont les locomotives culturelles : le quartier des plaisirs de Yoshiwara et le quartier des théâtres. Pour attirer les yeux et les poches bien pleines, les marchands, ainsi que les propriétaires de théâtres, utilisent alors les estampes en guise de média publicitaire. Ce support très bon marché, qui peut également servir comme souvenir d'un divertissement, se diffuse alors rapidement. Les thèmes de prédilection des ukiyo-e sont alors les scènes de vie de ces quartiers, avec des acteurs de théâtre ou des courtisanes.
LES ESTAMPES JAPONAISES
Si, au VIIIème siècle, les toutes premières estampes avaient pour objet des sujets religieux, l'évolution du contexte et des inspirations n'aura pas fait bouger la technique d'un poil. Ce procédé ancestral originaire de Chine est un travail collectif qui nécessite la présence de quatre personnes : un éditeur qui coordonne le travail, un artiste qui réalise le dessin à l'encre de chine, un graveur qui applique le dessin sur une planche de bois et un imprimeur qui finalise le tirage. Différents sujets, voire même différents courants, se sont succédés sur le bois de cerisier des ukiyo-e.(Trente-six vues du Mont Fuji vers 1830-1831)
Des scènes de kabuki (genre théâtral) avec l'Ecole des maitres Torii, aux simples portraits de courtisanes, de belles femmes, des sumos ou d'acteurs, les estampes sont passés par différents styles. En pleine censure, la tendance s'est déplacée vers la représentation de paysages avec des maitres comme Katsushika Hokusai (1760-1849) ou Utagawa Hiroshige (1797-1858) jusqu'aux sujets spirituels shintoïstes. Les ukiyo-e n'ont pas pour but premier de représenter la réalité, mais d'imager les émotions des acteurs ou la beauté des paysages par exemple. En 1858, le Japon s'ouvre au monde par contrainte américaine et les estampes prennent la mer pour arriver sous les yeux des peintres européens. Grandement inspirés par les paysages sacrés, les peintres impressionnistes en pleine phase de libération s'imposent alors en Europe. Le Japonisme et les estampes seront même une source d'inspiration majeure pour Vincent Van Gogh qui en deviendra un collectionneur acharné.
OLIVIER ANICET, L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Olivier Anicet, l'artiste de la semaine Carré d'artistes®, est fasciné par plusieurs courants artistiques comme l'Art abstrait, l'Art Africain ainsi que par les estampes et gravures japonaises. Cet artiste parisien utilise principalement la peinture à l’huile, le pastel gras, le marouflage et le collage. Ses voyages (Europe, Etats-Unis, Mexique) l’influencent dans sa création et dans sa façon d’utiliser les couleurs. Il peint des paysages urbains multicolores et des scènes de vie quotidienne. La démarche de l’artiste est avant tout de surprendre. Ses toiles sont le reflet de son moi intérieur où se mêlent différents espaces de créativité, de réserve, de recherche de soi ou de compréhension du monde qui l’entoure. Ses créations deviennent sa force d’expression et son langage.