QUAND L’ART COMPTEMPORAIN SE MÉLANGE AU MANGA
"Depuis toute petite, je me sens en décalage avec tout ce qui m’entoure, y compris les objets familiers. Ils m’ont toujours paru trop carrés, trop durs, trop pointus, trop glissants. Les fleurs en bouquet et les arbres taillés ne m’ont jamais semblé beaux. Les chenilles, l’eau, les puces d’eau en gros plan : voilà ce que je trouvais d’une extrême beauté. Aujourd’hui encore, j’aime les choses pâteuses et translucides, avec des formes indéterminées. Les maisons, les cuillers ou les voitures me semblent brutales, mal dégrossies." Elucubrations ? Délires d'une artiste incompréhensible, aussi bien pour elle-même ? L'œil joueur, Aya Takano, glisse qu'observer les nuages l'excite plus que faire l'amour et cite parmi ses inspirations des références surprenantes et hétéroclites : Salvador Dalí, Auguste Renoir, la Renaissance Italienne, l'Expressionnisme, la Sécession Viennoise, les animes, l'Ukiyo-e mais aussi le shunga de la période Edo. Mais d'où vient la météorite Takano ?
QUI EST AYA TAKANO?
Sous l'impulsion de maître Murakami, la KKC travaille à rendre perméables les limites entre les différentes pratiques (illustration, mode, cinéma, peinture etc.), entre les traditions et la modernité, entre folklore nippon et images mondialisées. Collectionneurs d'Art, enfants, ados perdus ou adultes avisés, aucune frange de la population n'est oubliée par les productions de cette véritable boîte à merveilles.
MURAKAMI ET FUKUSHIMA
Aya Takano suit son maître Murakami sur les voies du manga à dimension artistique : même saturation d'images, mêmes surabondance de couleurs et d'éléments décoratifs, même libertinage — le kitsch est l'un des signes artistiques contemporains de la mondialisation. Mais son trait est plus mou, plus élastique, plus souple que celui de Murakami. Aya Takano a développé en parallèle un rapport quasi fusionnel à son Art, ses outils, ses techniques et ses ingrédients. "J'ai une vraie passion pour l'aquarelle, les pinceaux et le papier à dessin. J'ai commencé par l'aquarelle, puis j'ai adopté la peinture à l'huile au lycée, avant de l'abandonner à 19 ans pour l'acrylique, beaucoup plus proche de l'aquarelle quand on l'applique sur la toile. Après le 11 mars 2011 [date de la catastrophe nucléaire de Fukushima], choquée, j'ai commencé à refuser les choses non naturelles. Mes goûts alimentaires ont changé et mon style vestimentaire aussi. De même, l'acrylique ne m'allait plus, alors je me suis remise à la peinture à l'huile."
L'œuvre de Takano est en perpétuel mouvement, et l'artiste poursuit continuellement ses expérimentations : "Ca me plait d'écraser et de frotter le pinceau contre la toile. Il court et laisse une trace." Aux côtés des autres artistes issus du sérail Kaikai Kiki Corporation comme Chiho Aoshima, Mr., Chinatsu Ban, Rei Sato ou Akane Koide, Aya Takano porte haut l'étendard nippon planté par Murakami. Elle topographie son monde meilleur, fabuleux mélange entre l'humain, le végétal et le minéral. Un monde gélatineux, sensible, sucré mais aussi acide et parfois même violent qui, certes, n'existe pas. Mais n'est-ce pas le propre d'un artiste de transformer le réel en rêve, aussi étrange soit-il ?
DOM DEWALLES CHEZ CARRÉ D’ARTISTE
Comme Aya Takano, l’œuvre de Dom Dewalles est imprégnée d’une grande poésie. Esquissés avec beaucoup de douceur, ses sujets sont généralement représentés dans un état de sérénité pouvant suggérer un moment de béatitude, de bien-être ou tout simplement un instant suspendu qui appartiendrait au monde des songes. Majoritairement féminins, les personnages de Dom sont gracieux et semblent empreints de bonté.