Cindy Sherman, artiste de la métamorphose
Connue et médiatisée sur toute la scène internationale, l'artiste photographe Cindy Sherman a réussi à dépasser les diktats et les limites des thèmes de la photographie contemporaine .
biographie de cindy sherman
Cette photographe américaine est née en 1954, à Glen Ridge (E.U.). sous le nom Cynthia Morris Sherman.
Créative et imaginative, elle décide de s’inscrire au département des Arts visuels du Buffalo State College, en 1972. Elle s’initie d’abord à la peinture mais, se sentant limitée par cet art, elle se lance dans la photographie. Se servant de sa propre image, maquillée et déguisée de façon originale, comme modèle pour ses photos, elle étudie parallèlement l’art conceptuel avec Barbara Jo Revelle et s'intéresse à d’autres approches contemporaines.
Elle s’investit dans une première série intitulée "Untitled Film Still". En 1974, avec des collègues universitaires, elle fonde un centre d’art (Hallwalls) pour accueillir des artistes de démarches variées. Elle y exposera en solo, pour la première fois, en 1979. Avec d’autres créateurs conceptuels, notamment Hannah Wilke, Adrian Piper, Barbara Kruger et Eleanor Antin, elle fait maintenant partie de la Pictures Generation.
Après de multiples expositions, les photos de cette artiste se retrouvent dans les musées prestigieux du monde. Cindy Sherman est désormais une figure emblématique incontournable de la photographie.
Elle s’est mérité les prix suivants :
• Prix Hasselblad (1999)
• Prix Haftmann (2012)
• Lauréat du Praemium Imperiale (2016).
Dans le film "Prima Donna : A Symphonic Visual Concert", réalisé par Rufus Wainwright à partir de son opéra, elle joue le rôle principal. Elle a aussi produit un court métrage : "Doll Clothes" en 1975, ainsi qu’un film : "Office Killer" en 1997. En 2011, l’entreprise de cosmétiques MAC utilise, avec son accord, ses photos pour ses publicités. Elle devient l’égérie de la société Vuitton et plusieurs de ses créations inspirent les vêtements portés par les modèles dans les défilés sur les podiums.
Sa démarche artistique
Représentante de la photographie plasticienne, le mode de création de cette photographe s’inscrit dans un style fictionnel contemporain. Cette artiste ne s’inscrit pas dans une démarche esthétique, ni ne cherche à décrire une réalité. Tout au long de son parcours, elle se photographie en modelant son visage et son corps et se sert de différents artifices (costumes, prothèses, perruques, maquillage…) pour illustrer ses sujets surtout féminins, parfois masculins. Son but n’est pas de créer des autoportraits mais plutôt de transmettre par la photographie d’art une interrogation sur la notion d’identité et sur les stéréotypes humains. Plusieurs de ses œuvres frôlent la caricature et suggèrent une critique des préjugés et des "masques sociaux" que véhiculent les médias, la publicité, la pornographie, le cinéma, et même l’histoire de l’art. Sa production s’élabore autour de séries à thème.
La personnalité même de Cindy Sherman et ses oeuvres demeurent indissociables.
Elle se caractérise également par sa rigueur et un grand souci du détail technique (cadrages, contrastes, angles de vue). Elle travaille toujours seule dans son atelier. Depuis son espace de création, elle crée des personnages et les intègre dans un décor tellement bien travaillé qu’on dirait qu’il s’agit de fonds peints. Le numérique lui permet d’élargir son horizon d’artiste et d'explorer davantage ses possibilités.
Quelles sont les principales
séries de Cindy Sherman ?
• Les premières séries de photographies de l’artiste (1977-1980) ont été réalisées durant ses études universitaires. "Untitled Film Stills" est celle qui a permis au public de la découvrir. La série "Bus Riders" a suivi, dans laquelle elle illustre des passagers fictifs dans un bus, ainsi que la série "Murder Mystery" qui met en scène des personnages à la façon d’un film policier.
• Sa première série de photos en couleur est présentée en 1980 sous le titre
"Rear Screen Projections". L’artiste se photographie devant des diapos projetées pour faire référence au monde de la télévision.
• En 1981, la série "Centerfolds and Horizontals" est produite pour le magazine Artforum à la suite d’une commande de portfolio pour cette publication.
• La collection "Pink Robes" paraît en 1982, des photos en demi-teintes sur fond obscur.
• "Fashion", une collection qui regroupe des photos de 1983 à 1994, origine de commandes provenant de magazines connus (Harper’s Bazaar, Vogue, Comme des garçons). Elle y dénonce de façon indirecte les critères de minceur, de beauté artificielle et de jeunesse prônés par les photos de mode.
• "Fairy Tales", en 1985, des contes de fée qui se transforment en cauchemars.
• "Disasters"(1986-1989), une série de photos de représentation baroque, dans laquelle les personnages apparaissent sur des fonds de matières organiques.
• Une série de photos inspirées de l’histoire de l’art : "History Portraits- Old Masters" (1988-1990), qui lui sert à mettre en évidence l’aspect artificiel de certaines œuvres de maîtres.
• "Civil War" (1991)
• "Sex Pictures" (1992)
• "Horror and Surrealist Pictures" (1994-1996)
• "Masks" (1994-1996). Une démarche qui utilise les masques et les têtes avec de la résine.
• "Hollywood Hampton Types" (2000-2002)
• "Clowns" (2003-2004), une série à la fois pathétique, drôle et tragique. On y sent l’influence des attentats du 11 septembre 2001 et des questions provoquées par cet événement.
• "Society Portraits" (2008). Une série qui dépeint l’emprise du jeunisme sur la femme d’aujourd’hui.
• "Flappers" (2015-2018), une série dans laquelle apparaissent des anciennes starlettes et des garçonnes rappelant certains personnages du cinéma du milieu du 20ème siècle.
En 2018, une exposition d'envergure, co-organisée par le MOMA de Paris et la Fondation Louis Vuitton, a été présentée pour faire connaître Cindy Sherman et ses oeuvres.
- Rear Screen Projections en 1980
- Fashion entre 1983 et 1994
- History Portraits/Old Masters de 1988 à 1990
- Clowns de 2003 à 2004
Cindy Sherman, une photographe engagée
Ses œuvres sont souvent étiquetées « féministes ». Bien sûr, l’artiste, qui a toujours travaillé à déconstruire les cases et les schémas établis, rejette cette appellation à laquelle elle refuse d’adhérer. Néanmoins, on ne peut nier dans son travail un engagement certain, et quelle que soit la manière dont on voudra le répertorier.
Cindy Sherman s’attache à bousculer, voire à démolir, les clichés sexistes et misogynes véhiculés, souvent inconsciemment, par notre culture. En posant le doigt sur telle ou telle situation dérangeante dans laquelle sont convoquées des représentations du féminin qu’elle considère inappropriées ou dégradantes, la photographe souhaite amener son spectateur à questionner ces stéréotypes qui polluent parfois un quotidien estimé par beaucoup comme acquis.
De nombreuses marques comme Balanciaga, Vuitton, dont elle a été l’égérie et qui lui a consacré une très belle rétrospective en 2020/2021, ou encore MAC, n’ont ainsi pas hésité à solliciter l’artiste.