La nature morte : des fruits et des bouquets de fleurs ?
Pas seulement… La nature morte en peinture qualifie toute représentation d'objets et d'éléments inanimés.
On y inclut donc les aliments, les scènes de cuisine, les trophées de chasse, les spécimens de collection, les instruments de musique et les animaux tués, etc.
Néanmoins, cette peinture se caractérise en tant que genre organisé, réfléchi et souvent intentionnel. L'historien de l'art, Charles Sterling définit en 1952 celle-ci comme un assemblage pictural, pensé par l'artiste. Il a pour objectif : « de nous imposer son émotion poétique devant la beauté qu'il a entrevue dans ces objets ». Ainsi, dans l'œuvre de Chardin intitulée Verre d'eau et carafe (1720), les objets attirent le regard avec force.
Les voilà sublimés par le peintre.
La nature morte peinture met en scène l'objet et fait donc disparaître l'humain.
De nombreuses toiles évoquent cet effacement par des détails qui ont toute leur importance : animaux morts, insectes, récipients en désordre… L'absence de vie humaine permet alors celle de l'objet.
Trois éléments définissent le genre : la représentation d'objets inanimés, l'intention donnée par l'artiste et la victoire de ceux-ci sur la vie animée.
- Qu'est-ce que la nature morte en peinture ?
- Pourquoi la nature morte n'a jamais cessé d'inspirer les peintres?
La nature morte peinture existait-elle avant le XVIe siècle ?
On trouve les prémices de cet art pictural dans certains objets décoratifs ou religieux de la préhistoire : peintures rupestres, frises de sarcophages, etc.
L'historienne de l'art Laurence Bertrand Dorléac et spécialiste éméritesouligne l'abondance de motifsreprésentant la nature à cette période.
Naturaliste et écrivain de l'Antiquité, Pline l'Ancien décrit les tableaux du peintre grec Piraïkos.
Ce spécialiste de la reproduction des victuailles et des boutiques de barbiers est déjà controversé. Malgré les critiques de ces contemporains, ses « rhopographies » (œuvres d'objets humbles et vulgaires) se vendent plus chères. Charles Sterling explique que cette peinture dépasse le désir de recopier la nature.
Elle contient des allusions épicuriennes à profiter de l'instant.
Au Moyen-Âge, apogée de la représentation religieuse et symbolique, l'objet en tant que tel s'efface.
Il devient détail. Il faudra attendre le 16e siècle pour que la nature morte soit considérée comme genre à part entière.
Trois siècles qui sonnent l'heure de gloire de la nature morte
D'abord en Italie puis en Flandre et en Hollande,la nature morte peinture se développe à partir du XVIe siècle en Europe.
La Renaissance, les Grandes Découvertes, l'intérêt grandissant pour la nature vont permettre son essor.
On peint des fleurs, des curiosités, des miniatures de manière presque scientifique.
Au XVIIe siècle, le peintre Baptiste devient spécialiste de la peinture de fleurs et participe à la décoration de nombreuses demeures. Il peint en 1665 le célèbre Fleurs, fruits et objets d'art. Exactitude et précision sont les maîtres-mots.
C'est également au XVIIe siècle qu'une catégorie particulière de cette peinture de la réalité prend de l'importance : la peinture de Vanités.
L'objet au centre de l'œuvre possède une valeur hautement symbolique. La composition allégorique représente l'insignifiance de la vie humaine.
Le sablier, le miroir ou le crâne côtoient les fleurs et les objets du quotidien. Les Écoles se scindent. Au nord de l'Europe, la peinture se veut bourgeoise alors qu'au sud, les artistes se consacrent aux sujets religieux.
Cependant, dans la nature morte, les peintres commencent à affirmer leur travail esthétique de reproduction de l'objet.
Cette tension entre art mimétique et art symbolique engendre la véritable définition de ce genre pictural.
Le XVIIIe siècle voit l'abandon des peintures à connotations religieuses au profit d'une reproductionen recherche de précision.
Les aliments de cuisine sont travaillés dans leurs formes et leurs tonalités. Après Chardin, la peintre Anne Vallayer-Coster se distingue en 1770 avec ses couleurs délicates et riches et ses textures fluides. Elle crée un illusionnisme proche du trompe-l'œil du rococo.